CV…
Note d’intention…
Un reflet du quotidien
L’ABC du métier, est un texte universel qui nous plonge dans le quotidien d’une petite ville de province qui, à force d’accommodement, de compromission, de désabusement, finit par oublier les siens, par les aseptiser pour créer une actualité qui n’est pas la sienne et par se retrouver sous les feux d’une actualité, au carrefour de la haine, de l’amour, de l’ambition et du désarroi. C’est un texte qui, au-delà de sa dimension ludique, nous amène à réfléchir sur notre rapport à notre prochain
«Faire Théâtre de tout»
D’un exercice d’écriture à contrainte, Jean-Bernard Pouy a produit un texte dans la plus pure veine du polar. Un texte qui parle de quotidien, de citoyens lambda, de politiciens, de journalistes, du pape, de laissés pour compte et d’un meurtre.
De là est né l’idée d’un exercice scénique à contrainte. J’ai pensé à Antoine Vitez et à son principe : «faire théâtre de tout». Prendre n’importe quel matériau textuel et en faire un instrument de jeu qui engage le corps, la voix et questionne aussi l’espace dans un système d’écho qui interpelle à différents degrés la conscience du spectateur.
Il est vite paru évident qu’un seul artiste devait donner corps aux différents personnages de cette nouvelle, que cet artiste serait une femme et que ce serait Hélène Busnel. Le jeu, la danse, le chant, l’écoute et l’engagement comme matière première.
Un plateau vide qui donne à entendre et à voir
A partir d’un plateau vide, le «dire» prend la forme d’un parcours au cours duquel l’actrice se laisse porter et emporter par une réalité qui se déroule devant elle comme devant le public. Naît alors un jeu basé sur des confrontations d’intentions et d’énergies, sur des ruptures, des respirations, jeu qui engage totalement la comédienne qui se fait le témoin, le relai de différents personnages, de différents événements et de différentes ambiances visuelles et sonores.
Le plateau vide ne signifie bien évidemment pas vacuité. Même si le projet se propose d’amener cette forme théâtrale dans des lieux qui ne sont pas forcément équipés, une attention particulière est accordée à l’univers visuel et sonore qui, associé au travail du comédien forme le langage théâtral.
Ainsi, pour évoquer ce microcosme en décomposition, ce kaléidoscope de solitudes, l’univers visuel est-il basé sur un principe proche du cubisme et de l’expressionnisme. Le découpage de l’espace et la mise en relief du corps de l’acteur. Par ailleurs, tout le dispositif d’éclairage sera volontairement laissé à vue afin d’entretenir ce rapport «brechtien» entre l’art et la réalité.
Le cadre sonore participe également de ce morcellement. Il s’éloigne de la symbolique traditionnelle jazz associée, depuis Miles Davis, au polar, pour se pencher sur un univers plus contrasté et brutal, à l’image de notre société et de l’univers de Jean-Bernard Pouy : Le reggae et le rock, genres cosmopolites de la contestation et de la revendication.
Gilles CAUCHY (metteur-en-scène)
______________
Poussée par la curiosité d’une première confrontation artistique avec Gilles Cauchy, je pris part à ce projet.
Seule en scène sous la baguette de ce metteur-en-scène directif et précis, proposition certes flatteuse mais aussi audacieuse : car je n’avais, jusqu’à présent, que rarement travaillé sous la direction d’un tiers, j’avais principalement monté mes propres projets ou encore participé à des créations collectives.
L’envie de cette aventure vient aussi de la performance que représentait la mise en bouche et en corps de ce polar de J.B. Pouy. Et pas n’importe quel texte – un véritable exercice de style, une contrainte d’écriture.
Le pari serait donc de rendre ce texte aussi ludique sur scène qu’il l’est à la lecture.
L’idée de poser clairement les 6 ou 7 personnages principaux s’est très vite imposée. Il a fallu dans un premier temps découper le texte et donner une part de ce gâteau à chaque protagoniste.
Ensuite dessiner pour chacun une personnalité – sa démarche, ses inflexions de voix, ses vieilles habitudes, ses bonheurs, ses grimaces, ses tics, ses colères, ses desseins…
Restait à habiter successivement et pleinement chacun d’eux.
Et c’est là que la notion de performance intervient.
L’espace scénique étant découpé afin de délimiter chaque aire de personnage, le jeu corporel consiste alors à se laisser imprégner à l’instant où la frontière est franchie. A l’image d’un cartoon, mon corps est automatiquement happé par le personnage et par sa façon de se mouvoir, d’exister. Jeu schizophrénique s’il en est… mais totalement jubilatoire.
C’est donc un régal, en tant que danseuse contemporaine, d’utiliser ce bagage physique pour servir un tel texte – terriblement humain, raclant les profondeurs, bondissant et bien vivant. Mettre à profit cette technique de présence évidente du corps, et en jouer sur de nouvelles cordes.
Hélène Busnel (comédienne)