CV…
Note d’intention…
L’idée de départ était de mettre en lumière la personnalité étonnante de Lou Andreas Salomé.
Femme libérée, femme fatale ou sainte-nitouche ? Nous sommes en 1882.
Lou, 19 ans, fille d’un général russe, aime passionnément Gillot, pasteur protestant. Quand celui-ci la demande en mariage, elle rompt. Six mois plus tard, à Rome, elle choque ses hôtes en se promenant au clair de lune, après minuit, avec le jeune philosophe Paul Rée. Mais le scandale est pire quand elle propose à Rée et à son ami Friedrich Nietzsche, un ménage à trois, à la fois libre, ouvert et irrévocablement chaste, qu’elle appelle sa « trinité ».
Nous nous sommes naturellement attachés à cette période pour sa richesse : d’une part, les illustrations écrites ne manquent pas (alors que Lou a fait détruire la quasi-totalité de ses correspondances), et d’autre part, en ce jeune âge, elle impose déjà sa vision déterminée, sans concession, et elle va mener ces deux hommes à la suivre dans cette aventure.Rée en sortira meurtri, Nietzsche frôlera la folie, mais parviendra à la sublimer dans son chef d’œuvre Zarathustra. Lou poursuivra sa carrière d’égérie, en ajoutant à son palmarès Rainer Maria Rilke, Sigmund Freud et une ou deux douzaines d’autres célébrités de son temps. Pour l’épisode de la « trinité », de nombreux témoignages existent et permettent de reconstruire, presque au jour le jour, les sommets et les abîmes, les dits et les non-dits, les vérités et les mensonges de cette aventure à la fois si proche et si lointaine de notre univers.
Nous avons voulu aussi éclairer la détermination que Lou impose :
Cette situation universelle portée par cette femme : le courage d’être et de vivre ses desseins, planter sa liberté de femme intellectuelle comme une évidence. Ce choix de vie encore délicat de nos jours l’était d’autant plus à la fin du XIX°s.
Nous avons pris le parti d’intégrer un personnage extérieur : le lecteur (interprété par Frank Horvat). Il est le fil conducteur de ce spectacle.
Il est assis dans un grand fauteuil aux abords de la scène, plongé dans la lecture de Zarathustra de F. Nietzsche. Quelques phrases à voix haute, en allemand, en français. Il lève la tête, s’interroge… Il a trouvé ce qu’il cherchait: » Que s’est-il passé dans la vie de F. Nietzsche juste avant qu’il n’écrive ce mythique Zarathustra ? Quel est ce puissant déclencheur ? »
Il commence alors à projeter au mur les dates et les noms des personnages qui vont maintenant intervenir, par le biais de leur correspondance :
Lou (interprétée par Hélène Busnel), personnage central et pivot de ce spectacle, entourée des autres protagonistes (tous interprétés par François Hatt). Maniant à la fois la danse, le chant mais surtout le théâtre, nous jouons sur le fil ténu de l’interprétation vivante. Il y a les mots, la musique (notamment un poème de Lou mis en musique par F. Nietzsche, mais aussi les musiques de Wagner, ami-ennemi du philosophe), et le geste dansé, ou le moyen de transposer le contour des mots en expression charnelle. Par le support de cette correspondance, nous avons pu dessiner cette tranche de vie, dans laquelle trois personnages hors du commun vont se frotter intellectuellement, se mesurer à leur propre soif de savoir…
Frank Horvat.
Extrait de « Ma vie »
Autobiographie de Lou Andreas Salomé
Il se produisit à Rome quelque chose qui apporta de l’eau à notre moulin : ce fut l’arrivée de Friedrich Nietzsche : Malwida et Rée lui avaient écrit, et il arriva à l’improviste de Messine. Et ce qui était encore plus inattendu, fut que, à peine informé de notre projet, il se proposa comme troisième membre de notre alliance. Je me souviens de son air solennel le jour de notre première rencontre, qui eut lieu dans l’église de Saint-Pierre. Paul Rée, assis sur un prie-dieu bien orienté vers la lumière, était plongé dans ses notes. Les premiers mots de Nietzsche, que l’on avait envoyé nous rejoindre, furent : « De quelles étoiles sommes-nous tombés pour nous rencontrer? »
Mais ce qui avait si bien commencé prit une tournure qui nous plongea, Rée et moi, dans un nouveau souci, car le troisième arrivant compliqua imprévisiblement le « projet ». Certes, il croyait plutôt simplifier la situation, en demandant à Rée d’être son intercesseur pour me demander en mariage. Très ennuyés, nous cherchâmes d’arranger les choses, en lui expliquant que j’éprouvais pour le mariage une aversion profonde.
Presse…